lundi 6 février 2017

Faudra-t-il être poli avec les robots ?

Le robot humanoïde français NAO est toujours à la recherche du respect
Politesse et robotique : de quelle manière devrons-nous communiquer avec les intelligences artificielles ?


Jusque-là, avec les machines à laver, les lave-vaisselle ou les caisses automatiques du Simply, la question ne se posait pas. Mais aujourd'hui, les robots sont capables de nous écouter, de nous comprendre et même de nous répondre... Comment devrons-nous nous comporter avec ces nouveaux compagnons de route, voués à ressembler de plus en plus aux êtres humains ? Leçon de courtoisie pour le futur qui vient.


Les robots pourraient-ils un jour éprouver des sentiments ? Un sujet largement abordé par la science-fiction, d'AI à Matrix


En devenant de plus en plus sophistiquées, les machines pourraient-elles se découvrir de véritables affects ? Un robot pourra-t-il éprouver de la joie, de la peur, du désir ou même de la colère ? Se sentir heureux, triste ou vexé de la teneur de nos propos ? On le sait, un robot digne de ce nom se doit d'obéir aux 3 lois définies par Asimov :

  1. un robot ne peut porter atteinte à un être humain
  2. un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la 1ère loi
  3. un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'est en contradiction ni avec la 1ère ni avec la 2ème loi

Et si je regardais sur le côté ? I, Robot (2004)

Être doté d'émotions propres ne le portera-t-il pas à outrepasser ces règles ? Cette question des rapports de l'humanité avec ses créations hante depuis longtemps l'imaginaire humain. Pensons au golem de la tradition juive, à la créature qui échappe au docteur Frankenstein... Ce sujet est même devenu un axe majeur de la science-fiction au XXème siècle, partagée entre :

  • la fascination de voir naître une conscience chez le robot, qui le rende capable de s'émanciper de sa condition d'esclave, avec I, Robot ou encore AI (initié par Kubrick et réalisé par Spielberg) - dans ce dernier, on assiste à la création d'un nouveau type de robot, semblable à un enfant et destiné à "aimer" ses parents adoptifs, qui se retrouve plongé dans une quête initiatique façon Pinocchio des temps modernes
    Dans AI (2001), Haley Joel Osment incarne un robot conçu pour éprouver l'amour
  • la crainte de voir les machines prendre le contrôle du monde, avec 2001 : L'Odyssée de l'Espace, Terminator ou encore Matrix, soit par absence d'empathie et souci d'efficacité maximale (HAL 9000), soif de pouvoir (Skynet) ou par l'émergence d'un authentique dégoût pour l'humanité (Agent Smith)
    Les Terminator dirigés par Skynet n'apprécient pas d'être bousculés (saga Terminator, débutée en 1984)

La prise en considération de l'Autre ou la reconnaissance de son intelligence et de sa sensibilité, un lent processus historique


Retournons rapidement aux prémices de cette histoire. Chaque société s'est toujours considérée comme comportant elle-même toute l'Humanité, et devant se préserver des Barbares qui l'entourent. Montaigne, au XVIème siècle, dira ainsi : "Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage". Cette course à la survie peut expliquer les origines poisseuses :

  • de la xénophobie (se méfier de l'Autre)
  • du patriarcat (la Femme doit être "parquée" au sein du clan afin de pouvoir enfanter la nouvelle génération, celle qui prolongera l'humanité...)

Rencontre de l'Autre pas hyper fair-play entre conquistadors et indigènes

C'est seulement peu à peu qu'une conscience universelle s'est développée à l'orée des rencontres, du commerce, de la religion ainsi que de la pensée humaniste. Cela passait souvent par un questionnement très simple : un individu de tel sexe ou de telle ethnie est-il pourvu d'une âme ? Ah l'âme ! Aujourd'hui, on peut s'accorder sur le fait que si l'âme existe, il ne faut pas forcément aller la chercher dans les arrières-mondes, sur la troisième à droite après l'arc-en-ciel : elle serait plutôt une partie (spécifique) du corps. En attendant, les catégories les plus diverses ont dû passer au crible de cet atroce étiquetage :

  • femmes
  • enfants
  • esclaves
  • noirs
  • jaunes
  • indiens...

L'attribution d'une âme, ça prend du temps. Quant à la simple reconnaissance de la sensibilité des autres êtres vivants, elle n'avance que très lentement. Considérés jusque-là comme de simples machines dénuées de tout intellect ou de toute émotion (héritage de la pensée de Descartes), les animaux n'ont acquis en France le statut "d'êtres vivants doués de sensibilité" qu'en 2015 ! Il suffisait pourtant de se balader dans la campagne ou sur Youtube pour comprendre que le premier oiseau venu était doué d'une intelligence propre et pouvait même s'amuser à surfer par pur plaisir sur un toit enneigé :


Difficile pour l'humanité de respecter l'existence de ces êtres face à nos habitudes passées... Avec les vidéos de L214 ou les initiatives récentes de Rémi Gaillard (arrêt de la fourrure, obligation de fournir un repas végétarien dans les cantines...), entre autres, les réflexes conservateurs qui nous font dire "c'est comme ça et c'est tout" devraient s'amenuiser et notre relation aux bêtes finira par évoluer.


En matière de robotique, veillons à ce que nos chers petits s'adressent poliment à leurs assistants vocaux personnels... pour ne pas devenir eux-mêmes des brutes


Passé ce point historique, retournons dans le futur et revenons à nos robots.  Là aussi, nos vieilles considérations pourraient un jour être ébranlées. En attendant, tâchons de vivre dans un écosystème technosystème agréable. De leur côté, les chercheurs font tous les efforts nécessaires pour rendre ces machines :

  • polies
  • attentives à nos désirs
  • peu suspectes de nous distribuer des coups de poings

Les auxiliaires de vie robotisés sont ainsi conçus pour s'adresser avec courtoisie à un homme qui se trouve sur leur chemin, plutôt que de chercher à le doubler à toute vitesse et de le considérer comme un banal obstacle.

Du côté des humains, s'il n'y aura pas à faire assaut de formules de politesse alambiquées, il sera judicieux de rester correct. Bon, je dis ça, je suis le premier à apprécier de souffler "ferme ta gueeuuule" à ma télé en l'éteignant. Mais penchons-nous sur un cas pratique actuel, avec les derniers appareils sortis sur le marché en matière d'intelligence artificielle. Véritable carton aux États-Unis, les enceintes intelligentes réagissent à la voix et sont capables de gérer votre agenda, d'appeler un taxi ou de fermer la porte du garage. Ces assistants vocaux personnels, nommés Google Home et Amazon Echo, vont bientôt inonder le territoire français (descriptif et comparaison des deux modèles ici).

Un kid américain s'adresse à Alexa, l'intelligence artificielle de l'Amazon Echo Dot
Or, un article américain paru sur Quartz en juin 2016, "Parents are worried the Amazon Echo is conditioning their kids to be rude", révèle que les parents possesseurs d'enceintes intelligentes s'inquiètent de la dureté avec laquelle leur progéniture s'adresse à ces appareils. Dennis Mortensen, un programmeur interrogé par la journaliste Alice Truong, l'affirme : "Quand le langage n'est pas naturel, les premières choses menées à disparaître sont les petites courtoisies".

Peut-être finira-t-on par rendre la politesse envers l'IA obligatoire, pour ne pas se mettre à jurer comme des charretiers en mode Idiocracy ?

Certes, on sait bien qu'une enceinte intelligente ne souffre pas et ne risque pas de se vexer. Mais il faut envisager l'avenir et une complexification des machines toujours plus poussée ! Et puis la politesse, ce n'est pas uniquement respecter l'autre, c'est aussi se respecter soi. Ce n'est pas Nadine de Rothschild, la spécialiste des bonnes manières, qui me contredira.

Nadine de Rothschild approves this message!

Charte à l'usage des humains et des assistants robotiques à venir : mes frères, restons dignes


En bref, cher internaute du futur, si tu ne veux pas que ton robot te réponde comme une grosse caillera, commence déjà par être poli avec lui ! Une intelligence artificielle performante, ça s'éduque et ça évolue en fonction de son environnement et de la personnalité de son entourage. OK, le robot Chappie (2015) formé par les gangstas sudafricains dans le film de Blomkamp, c'est rigolo. Mais ça ne serait quand même pas l'extase en matière de robot-gériatre :


Prenons les devants et visons à établir un comportement éthique entre nous et nos machines intelligentes de demain, ne serait-ce à terme que pour conserver notre humanité. Je conclurai par une pensée pour Pinocchio, mis en cage par l'infâme Stromboli, car celui-ci le considère comme un simple morceau de bois qui a tout au plus caressé l'idée d'exister... Not in my name ! Free Pinocchio !!

Pinocchio en mauvaise posture face au forain Stromboli (Classique d'Animation des studios Disney, 1940)

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